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Devenir homo

« les parents furieux m’en ont fait cadeau, car cela allait rendre leur fils ’tapette’ »

samedi 31 décembre 2011, par Eric

Quand je lis Viedemeuf, les anecdotes pullulent à propos de parents qui refusent tel ou tel jouet à leur enfant parce que c’est un jouet de fille ou que ça va le rendre pédé.

Quand on cherche un peu sur Internet on trouve de nombreux sites sur lesquels des gens (ados, adultes) s’interrogent, comme « Expekt » : « j’aime une fille [...] j’arrête pas d’imaginer avoir une relation sexuelle avec un homme [...] j’espère ne pas devenir homosexuel ».

Rendre ou devenir homo. Grande peur.

Cette peur peut se regarder de plusieurs façons. Sous l’angle de l’homophobie, car elle traduit la croyance qu’être homo, ce serait moins bien qu’être hétéro. Et sous l’angle de l’image de soi, de la connaissance de soi.

Car au fond, ce que ça traduit, c’est bien : est-ce qu’un événement peut changer l’orientation sexuelle ? Dans cette représentation, on serait tous hétéro de naissance et on deviendrait homo suite à un « accident » de parcours.

C’est au fond toute la place du désir qui est ici posée. On sait bien qu’on peut adorer un plat et, suite à une intoxication, ressentir une aversion pour ce qu’on adorait et refuser à tout jamais de le remanger ensuite. On peut aussi adorer tel(le) ami(e) et suite à une « trahison » , le ou la prendre en grippe. Le désir et l’affection ne sont pas ancrés une fois pour toute. Mais l’on voudrait que l’orientation sexuelle le soit.

Pour cela, il faudrait que ce soit une part imprescriptible de nous-mêmes, comme les yeux bleus ou la taille des pieds. Je suis brune aux yeux verts, je mesure 1m71 et je suis hétéro, et c’est fixé pour toujours (enfin, la taille change avec l’âge et la couleur des cheveux aussi, mais ça c’est pas grave !).

Je ne crois pas qu’on peut « devenir homo » , c’est à dire basculer brutalement d’une sexualité heureuse et hétéro à une sexualité heureuse et homo du jour au lendemain, comme on se prend les pieds dans le tapis. Je ne crois pas non plus qu’on peut rendre quelqu’un homo en lui infligeant un trauma quelconque.

Je crois que les parents peuvent bien s’agiter comme des fous autour de nous, enfermer leur garçon dans un cocon tout bleu rempli de petites voitures et de gants de boxe, cela n’y fera rien. Je crois qu’on peut habiller une fillette de robes roses, l’entourer de barbies et de dinettes toute son enfance, cela n’empêchera pas qu’elle puisse devenir lesbienne.

Sinon, à l’époque où il n’y avait ni voiture, ni boxe, ni robe rose, ni barbie, tout le monde aurait été homo !!!!

Non, plus sérieusement, ma vision de l’orientation sexuelle, c’est que nous avons tous en nous la capacité d’aimer et de désirer les deux sexes. Et que notre désir se construit au fil des rencontres et des événements. Ce n’est pas d’être enfermé dans un moule qui produira le résultat escompté.

Je suis bien incapable d’identifier ce qu’il faut pour « construire » un hétéro ou un homo. Mais la plupart des homos ont été traités toute leur enfance comme de futurs hétéro. Même si je préférais m’occuper de mon ours en peluche et lui faire des robes, on m’offrait des carabines à plomb, des voitures à pédales (lol !) et des vélos de course (à un asthmatique tss tss tss). J’avais beau rêver de patins à glace de fille fins et élégants, j’avais des patins de hockey lourds, noirs et pesants. On avait beau regarder en douce les soirs d’hiver le Moulin Rouge à la télé, pendant que mes cousins s’extasiaient sur les seins des filles, moi je me demandais ce qu’ils pouvaient bien trouver là-dedans et je regrettait qu’il n’y ait pas plus d’hommes (j’avais 10 ans, environ). Du plus loin que je me souvienne, j’étais plus attiré par les activités de filles que par celle des garçons. Pourtant, je ne me sens pas être une fille à l’intérieur. Mais leur « mode de vie » m’aurait 100 fois mieux convenu.

Cela ne m’a empêché de tomber amoureux de filles. Mais quelque part, ça n’allait pas. Elles attendaient de moi un comportement qui ne me ressemblait pas. Et elles n’avaient pas tout à fait tout ce que j’attendais

.

Il m’a fallu du temps pour admettre que j’étais attiré par les hommes. Du temps et de la souffrance. Mais j’ai compris maintenant que cette souffrance ne provenait pas du fait qu’il est douloureux d’aimer les hommes, elle provenait du fait qu’il est douloureux d’entrer en rupture avec tout ce qu’on vous a appris sans même le dire clairement (les jouets de filles, c’est pas pour les garçons ; les hommes trop féminins, faut s’en méfier ; pas de boucle d’oreille ; pas de vêtement ambigu ; etc etc etc). Pourtant, ma mère avait « compris » dès mes 7 ans, mais ça n’a pas changé le message hétéro-normalisant que mes parents ont pu me transmettre. C’est de croire que j’allais vers quelque chose de mal qui était douloureux, croire que j’allais décevoir, choquer, attrister, faire souffrir tous ceux qui avaient tellement voulu me conditionner à être hétéro. Je me revois chez une psy lui demandant comme je pouvais dire ça (bon, elle me répondait « parlez moi de votre mère » quoi que je dise, ça m’a guère avancé !).

Jeune adulte, j’ai pas mal questionné l’orientation sexuelle de mes amis (tu parles, j’étais amoureux de certains, et s’il y avait eu une ouverture, ça m’aurait bien arrangé, surtout que je voyais pas où trouver d’autres homos !). J’ai halluciné quand l’un deux, quelques jours avant son mariage, m’a dit qu’il aurait aimé passer une semaine quelque part avec moi à explorer la sexualité entre hommes. Pourtant, à ma connaissance, il n’était sorti qu’avec des filles et n’est depuis sorti qu’avec des femmes. Un autre m’a dit que rien n’était exclu en lui, mais qu’il était amoureux de sa copine et voilà.

Ça a un peu changé ma vision du monde ! Et plus encore, quand plus tard, j’ai découvert que la plupart des mecs avec qui je couchais étaient mariés et se définissaient comme hétéros...

Plus tard encore, j’ai rencontré toute une « faune » de personnes qui faisaient une vraie palette, depuis des hétéros stricts, des hétéros qui couchent avec des hommes, des homos qui couchent avec des femmes, des homos stricts, des trans qui aiment les personnes de leur sexe d’origine, des bi fidèles, des bi qui construisent des relations différentes selon le sexe de l’autre, des trans qui aiment les personnes du sexe opposé à leur sexe d’origine, des gens qui sont nés avec des proportions variables des deux sexes et ont des attirances sont tout aussi variables que pour monsieur ou madame tout le monde... Le désir n’a pas de règle. Il peut changer. Il peut surgir au coin du chemin parce qu’on a rencontré « la » personne. Une amie mariée a ainsi un jour quitté son mari pour une autre femme, la seule femme qu’elle se sentait capable d’aimer.

Il n’y a pas de loi qui définisse qui on a désiré, qui on désire, qui on va désirer. Parfois, quand le désir est multiple, il y a des choix à faire : y aller ou pas, changer ou pas. Mais c’est le même choix que celui de quitter la personne avec qui on est pour une autre personne qu’on désire. Quitter sa femme pour un homme ou une femme, ou tromper sa femme avec un homme ou une femme, ça reste le choix de quitter ou de tromper d’abord.

Il reste la question de ce qui va construire le désir. J’ai lu qu’un homme se demandait s’il n’était pas attiré par les hommes parce qu’il avait été abusé dans l’enfance par une femme. On dit que les homos ont eu des mères abusives et des pères absents. On dit plein de choses. Et moi, je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit si simple. Mes cousins ont eu une mère super-abusive et un père très là¢che, ils n’en sont pas moins hétéros. Peut-être que tout cela peut jouer. Mais je crois que cela joue pour éveiller quelque chose qui était en nous dès le départ. Je ne crois pas qu’une violeuse puisse rendre un enfant homo. Mais elle peut l’effrayer du contact avec les femmes et ouvrir la possibilité de vivre la part d’homosexualité qui était déjà en lui avant.

Alors voilà, si l’on ne peut rien changer, à quoi bon en parler ?

Je crois qu’il y a une chose qu’on peut changer. La souffrance. La souffrance des hétéros (surtout les hommes) à devoir « prouver » sans cesse qu’ils ne sont pas « pédés » . La souffrance des homos à devoir affronter leurs règles intériorisées et castratrices, la déception de leur entourage. La souffrance de celui ou celle qui se voit trompé(e) ou quitté(e) pour quelqu’un de l’autre sexe et qui croit qu’elle(il) a mal fait quelque chose. La souffrance d’un parent quand son enfant lui annonce qu’il ou elle est homo, et qui croit qu’il ou elle a raté quelque chose.

Nous avons beaucoup de souffrances en face de l’orientation sexuelle. Et ça, on peut le changer.

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