Madame Taubira m’a fait pleurer...

 » En vous présentant aujourd’hui ce projet de loi qui contient des dispositions ouvrant le mariage à droit constant et l’adoption à droit constant aux couples homosexuels, le gouvernement choisit de permettre aux couples de même sexe d’entrer dans cette institution et de pouvoir composer une famille comme les couples hétérosexuels, c’est-à-dire de pouvoir le faire soit par une union de fait que l’on appelle le concubinage, soit par un contrat, le PaCS, soit par le mariage » .

Elle n’a l’air de rien, cette phrase.

Et pourtant...

Et pourtant elle porte l’essence même de lutte contre la discrimination, l’essence même de ce qui faisait que nous, homos/gays/folles/tapettes/tarlouzes/tantouses/et autres qualificatifs amicaux, nous pouvions imaginer que le mépris qui nous arrosait était quelque part légitime. Puisque nos amours, qu’elles soient d’un jour ou d’une vie, n’ouvraient aucune reconnaissance, aucun droit, cela nous marquait au fer rouge de l’impression qu’elles valaient moins.

Les hétéros avaient droit à de jolies fêtes, fleuries et célébrées collectivement, portées par les mairies, les églises et les familles. Nous, nous avions - à l’époque - droit uniquement aux cachettes, aux placards, et si par bravache nous osions nous montrer, aux injures. Quand la société vous écrase ainsi de son rejet, ce rejet finit, malgré tous vos efforts, par s’ancrer dans vos cœurs. Quelque part, même si vous savez que c’est faux, il devient illégitime de rêver du Prince Charmant, d’attendre le Grand Amour (désolé les filles, c’est tout au masculin ; mais vous êtes là aussi !). Vous apprenez à chaque rebuffade que vous êtes moins bien, que vous valez moins, que vous méritez moins, que vous devez vous contenter d’être toléré, supporté.

Le PaCS avait déjà donné un coup de boutoir à cette image pernicieuse. Mais, en maintenant l’inégalité des droits, il n’avait pas fondamentalement changé ces représentations, ces poisons distillés et absorbés jour après jour.

Le discours de Madame Taubira m’a fait pleurer. Parce qu’enfin, enfin, enfin, il dit clairement, officiellement, ministériellement, parlementairement, que tous ces coups, toutes ces blessures, étaient aussi in-justes qu’infondés.

Écouter une ministre tenir ces propos à l’Assemblée Nationale réconcilie quelque chose en moi, quelque chose qui pleurait, qui pleure encore - j’espère pour la dernière fois.

Écouter une ministre tenir ces propos à l’Assemblée Nationale ouvre encore un peu plus de place au soleil.

Bon, faut aussi se coltiner les députés conservateurs, revanchards, haineux, homophobes. Leurs confusions, leurs amalgames, leurs délires, leurs méchancetés, leur pauvreté de cœur. Mais ce ne sont que des soubresauts face au soleil. Là¢chez-vous, vous êtes déjà à côté de la plaque. Et cette plaque, elle est plus jolie que ce matin.

Intégralité du discours de Christiane Taubira ici.