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Américaniser la France ?

mercredi 8 mai 2013, par Eric

Dans Le Figaro : « La semaine passée, le ministère allemand de l’économie avait laissé fuiter un document interne dressant un état des lieux catastrophique de l’économie française. Le document pointe notamment que la pression fiscale y est la plus importante au sein de la zone euro et que la France investirait trop peu dans la recherche et le développement. Merkel juge incontournables les réformes structurelles permettant la réduction des dépenses de l’État, la libéralisation du marché du travail ou encore la refonte des systèmes de protection sociale, ou encore le report de l’âge de la retraite » .

Alors, reprenons :
 pression fiscale bien trop importante
 trop peu d’investissement en R&D
 trop de dépenses de l’État
 marché du travail « prisonnier »
 systèmes de protection sociale à refondre
 âge de la retraite à reporter

Dans la même veine, le Peterson Institute estime que la France est devenue un pays périphérique en raison son « incapacité » à se réformer.

Que de critiques ! Mais, de façon surprenante, que de braves gens qui s’occupent de notre sort !!! Qu’est-ce que ça peut bien leur foutre, que nous soyons sur la mauvaise voie ? Dans cette économie mondialisée et concurrentielle, ils devraient s’en réjouir : un pays de plus qui ne contiendra bientôt que des consommateurs passifs gavés de télé, un rêve, non ?

Étonnamment, tous ces braves gens - qui veulent nécessairement notre bien - cherchent à nous convaincre d’une seule et même chose : adopter le contrat social et le pacte économique des pays anglo-saxons et affiliés. Mais s’ils ont raison, on va se planter et ce sera une preuve de plus de leur côté : encore une raison pour nous laisser nous vautrer comme des minables.

Alors pourquoi diable des gens qui ont autant de raisons de nous laisser nous planter tiennent-ils absolument à nous « sauver » ?

J’avais lu il y a quelques années que c’était parce que le modèle sociale français fait peur. Eh oui, c’est l’une des rares alternatives à la jungle capitalistique mondialisée. Il y a bien la flexi-securité des pays du Nord, mais personne ne la croit exportable. A l’époque j’avais rigolé de cette théorie du complot. Mais quand je vois l’insistance des politiciens européens, des « instituts » américains, des « cercles de pensée » , je commence à me poser la question. Non, parce que ne rêvons, les financiers qui crient d’un côté que la France est au bord du gouffre nous prêtent des milliards et à perte. S’ils y croyaient un tout petit peu, à leur gouffre, il viendraient vraiment placer leurs précieux dollars dans notre économie moribonde ? Autant qu’ils les placent en Grèce, non ? Et pourtant, ça ne se passe pas du tout comme pour la Grèce. Alors ???

Alors, il faut réfléchir un peu plus. « On » tient absolument à nous faire renoncer à plein de choses. Mais qu’est-ce qu’elles ont de si dangereux que ça, ces « choses » ? Pourquoi diable sont-elles si perverses que notre beau pays doivent en mourir ? Et pourquoi diable tiennent-elle depuis des décennies et deviendraient-elles soudain mortifères ?

Reprenons.

La pression fiscale

La France ferait payer trop d’impôts à... à qui, déjà ? Aux entreprises ? Aux citoyens ? A tout le monde ?

Hum !

Reprenons les chiffres. Personnellement, en 1995, je payais 13,08% de mes revenus en impôts sur le revenu. Actuellement, je paye 8,61%. Alors j’ai cherché un peu, parce que bon, si on intègre la CSG, la TVA, la taxe d’habitation et toutes les autres factures d’état, peut-être que nous sommes étranglés ? Ce serait bizarre, parce que la TVA n’a pas réellement augmenté depuis 95, la CSG un peu mais sans plus, la taxe d’habitation pas mal mais c’est somme toute un impôt modéré... Quand on regarde le tableau de l’express, on prend effectivement peur. L’État nous vole, que dis-je, nous spolie, nous détrousse, nous dépouille ! Sauf que oups, le tableau, c’est juste une grosse manipulation... Il présente les tranches que les citoyens et les entreprises PEUVENT payer : 33% sur les bénéfices, 60% sur les salaires, et pareil pour les revenus : jusqu’à 45%, sans compter les 20% de TVA et autres joyeusetés... Or, il s’avère que les entreprises du CAC paient en moyenne... 8% d’impôt sur les bénéfices... Et si on enlève les entreprises dont l’état est actionnaire, ben on tombe en dessous de 3%. Vous imaginez ça ? Les pauvres entreprises les plus riches du pays sont étranglées par 3% d’impôt. Par contre, c’est sûr, les PME, elles douillent au max : normal, elles ont pas les moyens de payer une armée d’avocats, d’experts comptables et autres magouilleurs chargés de diminuer leurs impôts ! Et c’est pareil pour les riches : théoriquement, ils devraient payer un max. Mais entre les niches fiscales, les revenus planqués en Suisse ou à Singapour, etc, en fait, c’est pas eux qui font tourner le pays. Ils y échappent, eux ! Alors, oui, peut-être que nos taxes et impôts sont trop élevés. Mais si les plus friqués ne jouaient pas les filles de l’air quand il s’agit de payer leur part, ce sont 60 à 80 milliards de plus qui rentreraient dans les caisses de l’état. Autrement dit, le même montant que ce déficit dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles. Eh oui, mes frères, l’état est en déficit non pas parce que vous êtes des salauds de retraités qui s’engraissent sur le dos du pays, non pas parce que vous êtes des enfoirés de chômeurs accro à vos allocs, non pas parce que vous êtes des pourris de profiteurs de la Sécu, mais parce que tous ces braves gens qui nous font la morale sur les « acquis » auxquels nous devrions renoncer nous volent. Oh, pour ce qui est de profiter des routes, des aéroports, des réseaux ferrés ou téléphoniques, du tout à l’égout, des éboueurs, ça, ils sont bien présents. Mais quand il s’agit de payer la douloureuse qui va avec, ils préfèrent laisser les autres se démerder et en plus les accuser d’abuser... C’est pas une jolie mentalité, ça ? Et évidemment, les premiers qui jouent contre les impôts sont... les « grands patrons » , ceux là même qui, à travers le MEDEF, nous serinent qu’on est super trop privilégiés et qu’il faut renoncer à... tout ou presque...

Le montant alloué à la recherche

Encore un truc étonnant : la France est un peu au dessus de la moyenne des pays développés pour le financement public de la recherche. Par contre, elle est très en dessous pour la recherche privée (ici, graphique 3.1). Oh, ben ça alors, on voudrait nous faire culpabiliser en nous traitant de rapias, et en fait on n’est pas pires que les autres !!! Ce sont nos entreprises qui rechignent à aligner leurs sous... Ben ouais, on peut pas d’un côté filer 15% aux actionnaires et de l’autre investir pour le futur...

Trop de dépenses de l’état

Que n’avons nous pas entendu sur le train de vie de l’état. La Sécu nous coûte un oeil, EDF était une catastrophe tant qu’elle était pas privatisée, la Poste n’en parlons pas, la SNCF est un gouffre...

Reprenons là aussi à la base.

A quoi sert l’état en l’occurrence ? A collectiviser des ressources et des dépenses, en espérant en retirer un bénéfice d’égalité. Estimer s’il faut collectiviser ou non des domaines relève d’une vision du monde : les Américains refusent d’être solidaires sur la santé et préfèrent le chacun pour soi, les Français ont fait le choix d’une Sécu importante. Il parait que ce serait mal, et que seul un système privatisé et individualisé pourrait fonctionner, faute de quoi ce serait la ruine et l’inefficacité.

Alors, c’est sûr, quand on regarde les dépenses publiques pour la santé, la France arrive dans le peloton de tête de la planète... Mais...

Mais si l’on compte le montant dépensé par personne et par an (dépenses privées et publiques), la donne change. Évidemment : un américain se paie la plupart de ses frais de santé, du coup les dépenses publiques pour lui sont plus faibles. Mais pour rester en bonne santé, un américain dépense 8233 dollars, et un français... 3974. Un allemand 4338, un anglais 3433... Je comprends bien que certains râlent : c’est autant de moins pour les laboratoires pharmaceutiques, les médecins, les cliniques... Mais est-il VRAIMENT dans NOTRE intérêt d’aller vers une situation « à l’américaine » ?

On nous dit alors que l’éléphant de la Sécu nous coûte une fortune. Tous ces fonctionnaires incompétents et fainéants surpayés seraient l’antithèse de la productivité et de l’efficacité. Il est cependant étrange de lire que le coût de fonctionnement de la Sécu est de 5%, là ou les assurances privées coûtent... 10% (j’avais lu ces chiffres il y a quelques années, je n’ai pas retrouvé l’article qui les mentionnait ; j’ai retrouvé une citation d’un article du Monde - mais pas l’article lui-même - qui mentionne respectivement 5,6% et 14%). Et ça fait sens : la Sécu ne rémunèrent pas d’actionnaires : elle n’en a pas !

On nous dit encore que la Sécu est en déficit et qu’il faut... changer. Mais au fait, pourquoi est-elle en déficit ? Là aussi, j’avais lu que la « politique de l’emploi » (élégante façon de parler des cadeaux faits aux entreprises) représentaient en réalité plus que le montant de ce déficit. En clair : ce n’est pas la Sécu qui est en déficit, c’est la politique de l’emploi... Arrêtons de dire qu’elle a la rage, ça ne sert que ceux qui veulent l’abattre.

Enfin, on peut noter que 63% des dépenses de la Sécu sont monopolisées par les Affections de Longue Durée (la fameuse prise en charge à 100%), d’après la Sécu elle-même en 2010. Or, un grand nombre de ces maladies sont des maladies « de civilisation » , favorisées par notre mode de vie (cancers, diabète, hypertension, asthme, artériopathie, cirrhose, ...). Un article récent (je sais plus où) montrait que ces maladies explosaient actuellement dans les pays émergents, ceux qui adoptent un mode de vie « occidental » ... Autrement dit, on oriente l’argent vers le curatif alors qu’on sait qu’il faudrait faire du préventif... et modifier notre alimentation et notre environnement... Est-ce la faute des malades si l’environnement dans lequel ils vivent, si l’alimentation qu’on leur propose, si l’air qu’ils respirent... les rend malades ?

Il reste évidemment les autres dépenses : énergie, emploi, défense, éducation, RSA, fonctionnaires... D’après mes dernières lectures, il semble que l’Éducation Nationale coûte cher et n’ait pas des résultats à la hauteur de son financement... Il semble aussi que la défense nous coûte cher,

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