Stimuler la douance adulte : Reconnaître et adresser les besoins affectifs des adultes doués.
Citation : From CAG Communicator. 1999 summer 30(3).
Auteur : Sharon Lind
Traduction : douance.be, 2004
Récemment, j’ai eu le plaisir de participer à une conférence internet avec des parents en Australie à propos des besoins socio-émotionnels des enfants doués. Pendant les deux semaines de dialogue, une mère, Michelle, dit un jour : « Ma propre expérience (et, je le soupçonne, celle aussi de nombreux parents d’enfants doués) est que la prise de conscience de sa douance survient lorsqu’on est devenu parent.
Dans le processus d’apprentissage de « comment répondre aux besoins de l’enfant », nous, parents, nous prenons souvent à découvrir des tas de choses sur nous-mêmes et même, peut-être, à devoir gérer quelques douloureux souvenirs de nos propres expériences dans l’enfance. »
Elle continua : « C’est une chose que j’ai remarquée au cours de mes discussions avec d’autres parents : alors que beaucoup d’entre eux acceptent la douance de leur enfant, et les caractéristiques qui l’accompagnent, ils semblent être en total « refus » de leur propre surdouement, ou à différents stades d’être en mesure de le gérer. »
Les commentaires de Michelle ne sont pas inhabituels. Souvent, parents et enseignants expriment leurs
difficultés à stimuler le développement de leurs enfants doués, tout en gérant le processus souvent
douloureux de tracer les limites de leur propre douance et de leur potentiel. Il est malaisé (une sorte de
double malédiction développementale) de traverser vos propres phases de développement et, en même
temps, d’éduquer, guider et/ou d’être les parents d’enfants doués.
La douance chez les adultes peut être vue à travers différents prismes. Pour cet article, j’aimerais insister sur cinq besoins affectifs-clés des adultes doués : admettre ses propres dons ; enrichir son développement
identitaire ; s’autoriser à croître, changer, être imparfait ; gérer et tirer avantage des surexcitabilités ; et
apprendre des manières pratiques de s’adapter. Pour améliorer son estime de soi et sa propre efficience, il est vital, pour les adultes comme pour les enfants, d’avoir des fondations affectives solides, à partir
desquelles l’on puisse agir. En se focalisant sur ces cinq besoins, les adultes peuvent commencer à stimuler leur propre douance et devenir de meilleurs exemples pour les enfants doués, en leur montrant l’importance et la valeur de gérer ses propres besoins et qualités.
Admettre ses propres dons
La première étape dans la construction d’une solide base socio-émotionnelle est de reconnaître et admettre ses propres dons. Pour beaucoup d’adultes, cette facette de « qui ils sont » est souvent passée inaperçue, a été ignorée ou n’a pas été exprimée pour des raisons culturelles. Donc, si vous ne l’avez pas encore fait, prenez le temps, pendant les prochains jours, de faire la liste de vos actifs personnels. Observez ceux, dans votre entourage, dont vous pensez qu’ils sont doués. Quelles caractéristiques partagez-vous avec eux : grande curiosité, sens de l’humour particulier, goûts artistiques ou créatifs, sensibilité sensorielle ou émotionnelle, grande imagination, grande préoccupations sociales, réussite académique, excellentes facultés interpersonnelles, etc ? Si cela vous est trop difficile, demandez à votre conjoint, vos amis, vos enfants, votre famille. Recherchez leur apport et validez-le.
L’étape suivante est d’être honnête avec vous-même et de partager avec d’autres vos interrogations ou votre confusion à propos de votre douance. Que ressentez-vous, d’être différent de vos amis, votre famille, vos collègues ? Osez-vous parler ouvertement de vos qualités ? Comment vos dons améliorent-ils votre vie ? Comment la compliquent-ils ? L’autoévaluation, en se posant ces questions, devrait permettre aux adultes de se sentir plus à l’aise avec eux-mêmes et les inciter à se livrer plus facilement aux autres. Cette ouverture nous amènera à jouer un rôle d’exemple pour nos enfants, à être fiers de nos qualités et à travailler nos points faibles.
Enrichir son propre développement identitaire
Les adultes doués se focalisent souvent, par compassion ou par obligation, sur le développement de leurs
enfants, élèves ou conjoints en ignorant le leur. Comme Michelle le disait : ils semblent être en total « refus » de leur propre surdouement, ou à différents stades d’être en mesure de le gérer. » Ceci amène non seulement un mauvais exemple pour les enfants, mais aussi des besoins inassouvis pour l’adulte. La clé est de prendre le temps de trouver du soutien, des encouragements, enrichir ses aptitudes et ses passions.
Andrew Mahoney (1998) a décrit quatre constructions primaires qui sont les « étançons qui forment et
influencent l’identité (p.223) » Ce sont :
La confirmation | Admettre personnellement sa propre douance |
L’affirmation | Obtenir une reconnaissance et un soutien permanents de sa douance par les Autres |
L’affiliation | Se lier avec ceux qui ont les mêmes centres d’intérêt, passions, surexcitabilités, talents, etc. |
L’appartenance | Développer une vocation, un but - se connecter au monde. |
Faire un effort soutenu pour rencontrer vos besoins de confirmation, affirmation, affiliation et appartenance est un moyen de stimuler votre surdouement.
S’autoriser à croître, changer, être imparfait.
Une autre facette du processus de rencontre de vos propres besoins est de vous autoriser à être une
personne en devenir. Essayez d’accepter vos imperfections et reconnaissez que le développement personnel passe par des pics et des creux, plutôt que de suivre une progression constante vers le sommet. De nombreux individus doués sont nés avec un sens ou une compréhension de « comment les choses devraient être » (idées, morale, justice.) Ils voient plus de possibilités, imaginent plus de conséquences et ont des idéaux plus grandioses que les autres. Très jeunes, ils peuvent voir à quoi ressemble la perfection. En conséquence, leurs pairs, leurs enseignants, leurs proches, ont des attentes inappropriées ou carrément exagérées à leur égard. Ces attentes, clairement exprimées ou implicites, sont ressenties par l’individu et il/elle y répond en tentant d’être parfait, de façon à les rencontrer. Mais atteindre la perfection est difficile souvent peu récompensé par le monde extérieur. C’est donc, pour les individus doués, gravir la plus haute montagne que d’essayer de développer des attentes réalistes et satisfaisantes pour eux-mêmes et pour autres.
Gérer et tirer avantage des surexcitabilités
Comprendre les caractéristiques innées qui peuvent accompagner le surdouement aide également à le
stimuler. L’oeuvre de Kazimierz Dabrowski (1902-1980) fournit un excellent cadre pour comprendre
l’hypersensibilité et la surexcitabilité fréquemment rencontrées chez les individus doués intellectuellement
créativement. Dabrowski a décrit les surexcitabilités (SEs) comme une capacité élevée de recevoir des
stimuli et d’y répondre. Trouvées à un degré plus élevé chez les doués et créatifs, les surexcitabilités
s’expriment par une sensibilité accrue, une conscience, une intensité, et représentent une vraie différence
dans la structuration de la vie et la qualité de l’expérience. Dabrowski a identifié cinq domaines d’intensité
psychomotrice, sensorielle, intellectuelle, imaginaire et émotionnelle. Une personne peut posséder une
plusieurs de ces SEs. Les individus possédant ces caractéristiques voient le monde à travers un prisme
différent. Il sont souvent perçus comme réagissant trop ou trop intensément. C’est cette expérience intérieure riche, complexe et turbulente qui peut être une bénédiction ou un fardeau pour la personne douée et son entourage. Les adultes peuvent avoir à gérer et tirer avantage de leurs intensités et aider à transformer dissonances en symphonies (voir Lind,1994 et Lind, 1996 pour plus d’information.)
Pour commencer, accepter que les SEs sont héréditaires et font partie intégrante de l’essence-même d’une personne a un effet remarquablement libérateur et rassurant. L’étape suivante est de reconnaître que les individus ayant des SEs différentes ressentent qu’ils ne parlent pas le même langage, agissent en fonction de perspectives différentes, ou ont une autre culture, que leurs collègues, leurs amis ou les membres de famille. Ils sont dyssynchrones. Des sentiments d’aliénation et d’incompréhension sont ressentis à la fois les individus surexcitables et non surexcitables dans une même relation. Cette inadéquation dans une famille, au travail ou dans des relations personnelles peut mener à des difficultés comme :
Le respect mutuel, la crédibilité et la compréhension peuvent être difficile à établir ou maintenir, par manque de partage des mêmes réalités ou expériences.
Trouver un langage commun pour décrire l’expérience et exprimer les besoins est malaisé et demande
beaucoup de travail.
Les autres sont parfois perçus comme tordus ou psychologiquement atteints et donc incapables d’assurer leur part de la relation.
Les valeurs peuvent différer grandement, causant ainsi des fractures dans la relation.
Trouver des passions ou des centres d’intérêt communs peut se révéler ardu.
Pour pallier à ces inconvénients, on peut essayer de :
respecter et valoriser les différences individuelles
ajuster les attentes en y incorporant les différences
considérer que la réalité décrite par l’autre personne est OK ; ne pas chercher automatiquement une
pathologie quelconque.
s’assurer que les deux parties d’une relation sont au fait des surexcitabilités.
reformuler l’un pour l’autre ; essayer de décrire votre expérience d’une manière qui fait sens pour
l’autre personne.
Utiliser des métaphores, des exemples tirés de la littérature, de l’art, du théâtre, du monde animal,
etc.
chercher des semblables pour trouver le soutien émotionnel, intellectuel, imaginaire, sensoriel,
physique que vous ne pouvez obtenir dans la relation.
Se souvenir que les surexcitabilités sont innées et doivent être acceptées sans restriction, comme on
accepte sa pointure ou ses préférences.
Apprendre des techniques pratiques d’adaptation
Les quatre premiers besoins affectifs des adultes doués peuvent être grandement facilités et améliorés en y incorporant deux capacités d’adaptation de base : reconnaître et gérer le stress, et apprendre à communiquer efficacement. Les deux panoplies de compétences sont vitales, car elles aident les individus à gérer le stress accru, l’intensité et le sentiment de différence, qui sont souvent les conséquences du surdouement.
Reconnaître et gérer le stress
Chacun rencontre le stress tous les jours. Mais les individus doués ont fréquemment de fortes réactions au stress, à cause de leur structure psychomotrice, sensorielle, intellectuelle, imaginaire et émotionnelle. L’on trouve de nombreux programmes et livres sur la gestion du stress. Les composants-clés sont (1) apprendre à identifier ses propres symptômes de stress : mal de tête, de dos, agitation des mains, pieds, etc. (2) développer des stratégies pour contenir votre stress : partager vos sentiments, vos émotions, faire de la relaxation, de l’exercice physique tous les jours, changer votre régime alimentaire, méditer quotidiennement, demander de l’aide, développer des aptitudes organisationnelles et de gestion du temps et (3) développer des stratégies pour éviter le stress : prendre le temps de rire, développer une structure de soutien qui vous aide, vous conseille, vous divertit, devenir plus tolérant pour les imperfections des autres et les vôtres.
Prenez le temps de tracer une carte de gestion du stress pour vous et votre famille (voir Hipp, 1985)
Apprendre des techniques de communication efficaces et les utiliser.
De bonnes aptitudes à communiquer sont utiles à différents niveaux, pour améliorer les chances d’obtenir ce que vous voulez, comme pour enrichir et favoriser le développement des autres. Quelle que soit la motivation pour développer ces aptitudes, les conséquences incluront moins de stress, une plus grande acceptation de soi, une plus grande compréhension des autres et par les autres, et moins de frictions quotidiennes à la maison, au travail ou à l’épicerie.
En apprenant des techniques de communication, soyez sûrs d’y inclure à la fois le verbal : écouter, répondre, questionner, téléphoner, résoudre un problème (Faber and Mazlish, 1980) et le non verbal : rythme et usage du temps, distance interpersonnelle et toucher, gestes, postures, expressions faciales, ton de la voix et style vestimentaire (Nowicki, 1992). Les aptitudes verbales et non verbales améliorent la communication interpersonnelle et aide les individus à mieux s’intégrer quand ils le veulent, à changer le système si nécessaire et, plus important, à traiter les autres et eux-mêmes avec respect.
le 3 septembre 2017 par Eric
le 1er septembre 2017 par Bibi
le 24 juin 2017 par Eric
le 29 mai 2017 par roland