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Donne-moi ta main...

par David Servan-Schreiber
in Psychologies Magazine, Mars 2007

mercredi 8 août 2007

Carla est tombée de vélo et s’est ouvert l’arcade sourcilière. Elle saigne, elle tremble, elle a mal à la tête. Jacques a appelé les pompiers, mais il ne sait quoi faire d’autre pour l’aider. Alors il lui tient la main et lui caresse doucement les cheveux. Il lui dit à l’oreille que ça va aller, que ça doit faire mal, mais qu’elle sera bientôt à l’hôpital. Aux urgences, on l’empêche d’accompagner Carla dans sa chambre. Au bout d’une heure, malgré l’interdiction, il se décide à la rejoindre. Elle attend toute seule et tremble encore un peu. Il ne fait toujours rien de bien utile, mais il garde sa main dans la sienne pendant qu’ils patientent ensemble. Elle est heureuse qu’il soit venu. Quelques heures plus tard, après les radios, qui ne montrent rien de grave, et un petit pansement sur le sourcil, ils repartent en taxi. Elle se tourne vers lui : « Tu sais, c’est fou le bien que ça m’a fait que tu me tiennes la main pendant tout ce temps où j’avais peur... » Et ils se sourient.

Les blessures ne se soignent pas avec de l’affection, mais la solitude et la peur, si. Et même, on le sait maintenant, la douleur. A l’université du Wisconsin, aux Etats-Unis, Richard Davidson, l’un des plus grands chercheurs en neurosciences, a évalué la peur et la douleur chez des femmes soumises à de petits chocs électriques. Une IRM (imagerie par résonance magnétique) mesurait l’activité de leur cerveau. Si elles étaient laissées seules pendant l’expérience, elles avaient peur, souffraient physiquement. Et leur cerveau émotionnel était particulièrement activé. Si un des membres du laboratoire, qu’elles n’avaient jamais rencontré auparavant et dont elles ne voyaient pas le visage, leur tenait simplement la main, elles avaient moins peur. Mais elles avaient toujours mal. Leur cerveau montrait moins d’anxiété, mais toujours l’activation de la douleur. En revanche, si leur mari leur tenait la main, alors là, le cerveau se calmait à tous les niveaux.

Quelques chose de remarquable se passe à travers le contact physique. Quelque chose d’aussi fort qu’un médicament qui calmerait la douleur et la peur. Et plus la relation est forte, plus le « médicament » est efficace : son effet sur le cerveau de ses femmes était directement proportionnel à l’amour qu’elles ressentaient pour leur mari. Lorsqu’il leur tenait la main, on pouvait voir se modifier une des régions les plus profondes du cerveau émotionnel : l’hypothalamus. C’est lui qui régule la sécrétion de toutes les hormones du corps et surtout des hormones du stress. Pouvoir agir ainsi sur l’hypothalamus - et sans effet secondaires - est le rêve de toute l’industrie pharmaceutique !

Les chercheurs de l’université du Wisconsin appellent la relation affective « un régulateur caché ». « Régulateur » parce qu’elle agit profondément sur les fonctions du cerveau, et « caché » parce que cela ne se voit pas quand tout va bien, mais joue un rôle clé dans une situation de stress ou de menace. Lorsque j’étais au Guatemala avec Médecins sans Frontières, j’avais noté que les thérapeutes mayas avec qui je travaillais se tenaient souvent la main pendant les réunions de l’équipe, un peu comme des enfants. J’avais d’abord trouvé cela déconcertant, puis devant leurs larges sourires et leurs éclats de rire affectueux, j’avais fini par me dire qu’ils étaient bien plus intelligents que nous. Pourquoi se priver d’un tel plaisir ?

Carla et Jacques l’avaient compris intuitivement ce soir-là aux urgences. Comme dans tant d’autres domaines, les Mayas avaient sans doute découvert bien avant nous un accès direct et simple à ce qu’il y a de plus profond dans notre nature : notre besoin de sentir physiquement la connexion à l’autre... et à l’amour. Et si on s’en servait d’avantage ?

Messages

  • J’ai copié ce petit texte : il vient de me toucher.

    Il me parle de mon besoin de "certains bras" quand je vais mal. Il m’éclaircit sur les raisons qui font que je me sens mieux dans les bras des unEs que dans les bras des autres.

    Il me dit aussi pourquoi, face à quelque qui va mal, j’ai tendance à établir un contact physique, et pourquoi aussi je me sens tellement en impuissance lorsque ce contact est impossible ou contre-productif.

    Enfin, je comprends aussi pourquoi j’ai si fort ce sentiment que des partages forts nécessitent des relations affectives fortes : pour moi, un partage fort, c’est un fort là¢cher-prise, et un fort là¢cher-prise, c’est une forte source de stress... Pour pouvoir être dans un partage fort, j’ai besoin de ce « régulateur caché  ».

    Finalement, j’apprends encore à faire confiance à mes besoins et à mes intuitions

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